Interview croisée : ZEUGL, Caandides, Inigo Montoya!

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Les groupes Caandides et Iñigo Montoya! ont deux points communs : d’abord ils nous font le plaisir de jouer ce weekend lors du LUMEN, ensuite ils ont tous les deux collaboré avec le duo de graphistes ZEUGL. Interview croisée des trois entités entre image, musique, branding et DIY.

Muzrs : Comment s’est faite la rencontre entre les musiciens de Caandides, Iñigo Montoya! et ZEUGL?

Théo (Caandides) : En fait, Gabriel et Lolita (ZEUGL) ont fait parti du projet Caandides dès le départ. Ils ont quasiment commencé leur accompagnement visuel au moment où on commençait à écrire la musique.

Gabriel (ZEUGL): Les musiciens de Caandides sont des amis d’enfance. Ils ont commencé à faire de la musique, nous à étudier le graphisme, la collaboration s’est faite naturellement.

Théo : Le point de départ, c’est une soirée chez les parents de Dylan (membre de Caandides) en novembre 2009. Gabriel et Lolita nous ont proposé de projeter sur nous des animations qu’ils avaient travaillé. Ça rendait trop bien donc on l’a fait sur les concerts qui ont suivi quand la technique le permettait. C’est ce côté spontané et expérimental qui nous plaisait.

Quentin (Iñigo Montoya!) : Nous on a connu ZEUGL au moment où on montait le projet. On voulait une identité visuelle marquée et on connaissait leur travail avec Caandides.

Lolita (ZEUGL) : Notre travail avec Caandides nous a valu d’être approché par d’autres artistes pour des pochettes ou des clips et c’est pour cette raison qu’on a créé l’entité ZEUGL.

Muzrs : Caandides se présente comme un groupe de cinq personnes : trois musiciens et deux graphistes. Pour quelles raisons?

Théo : Caandides est un projet que j’ai commencé tout seul avec des ébauches de chansons, mais qu’on a ensuite élaboré à plusieurs.

Lolita : En ce sens Caandides a d’abord été pensé comme un collectif. Théo écrivait ses morceaux et il a recruté des musiciens et des graphistes pour en faire un projet complet. Mais nos rôles étant bien séparés, je dirais que Caandides est une collaboration entre des musiciens et des graphistes, au long terme.

Théo : Ils ont finalement pris le relai sur notre fonctionnement hyper DIY : on faisait nos flyers, nos photos etc. L’arrivée de ZEUGL nous a permis d’aller sur des choses plus travaillées, tout en restant dans cet esprit maison.

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Muzrs : Concrètement, comment fonctionne la collaboration d’un point de vue créatif?

Lolita : Très différemment sur Caandides et Iñigo. Les musiciens de Caandides sont très impliqués sur la question de l’image et on a créé une identité visuelle pour chaque sortie d’EP ou d’album, en faisant chaque fois table rase du passé. Avec Iñigo on était sur une collaboration beaucoup plus professionnelle : on a été engagé pour une identité graphique qui durera dans le temps et on avait carte blanche pour la création.

Quentin : C’est vrai que dans Iñigo, on marche en équipe avec chacun un rôle bien défini. On voulait donc que le graphisme soit délégué à une seule entité pour avoir une cohérence artistique sur scène, sur les pochettes et dans les clips. Au final, un seul clip n’a pas été réalisé par ZEUGL mais par des amis à eux. Du coup on ne leur a même pas donné d’indications. Ils réfléchissent de leur côté, nous donnent quelques images pour expliquer l’idée, un déroulé pour les clips et c’est parti. A l’arrivé on fait quelques retours mais léger.

Lolita : Il faut aussi dire que les morceaux d’Iñigo ont des paroles très figuratives sur lesquelles on s’est basées pour les clips, alors que la musique de Caandides est beaucoup plus abstraite. Théo parlait une fois de mantra, c’est tout à fait ça. On a donc d’avantage besoin d’être dans le dialogue avec les musiciens.

Muzrs : Comment s’est passé l’élaboration du 1er album de Caandides, pour lequel vous avez développé tout un concept graphique et narratif?

Gabriel : Ça a été très long, le processus a quasiment duré deux ans. Théo avait déjà une idée assez ferme de là où il voulait aller, notamment de la thématique du voyage et de la cartographie. Mais comme Théo est quelqu’un de très indécis, il y a eu énormément d’allers-retours ! (rire) Au départ il nous a donné des mots clés, comme « tropical morbide », et des éléments qui évoquaient cet univers. Et puis, il est tombé par hasard sur un essai qu’on avait fait pour une autre pochette, une carte pixelisée, et ça lui a plu.

Théo : Effectivement, je leur ai envoyé une liste de mots qui me semblait exprimer l’esthétique des morceaux en terme d’ambiance et de couleur. Et puis j’ai eu un déclic en lisant un article sur cette minuscule île près de Trinidad, où un navire espagnol aperçu et photographia un OVNI en 1958. L’histoire symbolisait à elle seule tous les mots que j’avais sélectionné donc je les ai lancé la-dessus, ils ont récupéré et poussé le concept en créant ce système de tranche couleur par morceau, etc.

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Gabriel : On a voulu créé un système graphique pour que les différents éléments se répondent et que ça fasse un tout cohérent. L’idée, c’était aussi d’avoir quelque chose à déchiffrer sur la pochette, comme on déchiffre une carte.

Lolita : Caandides fait une musique assez complexe donc ça a du sens de faire une pochette un peu énigmatique avec des codes, des choses à décrypter, cette anecdote de l’île…

Muzrs : ZEUGL, vous travaillez principalement sur des projets musicaux (Moodoïd, L’Impératrice, Amarillo…). Hasard des rencontres ou volonté artistique?

Gabriel : Pour moi la musique est une matière comme une autre, une information à traduire et à traiter. Mais l’avantage c’est que dans le milieu de la musique on est beaucoup plus libre d’un point de vue créatif.


Lolita : Moi j’ai une approche plus mélomane. Au lycée mon rêve était déjà d’être graphiste dans la musique ! Et en me retrouvant face à la réalité du métier, j’ai pu constater qu’effectivement la musique était le domaine qui te laisse le plus expérimenter. Les musiciens sont des clients beaucoup plus ouverts et cultivés qu’une boite lambda. Il y a aussi le côté éthique qui est important pour nous : la musique est une activité relativement saine comparée aux autre industries. On ne bosse par contre qu’avec des groupes dont on apprécie la musique et la méthode de travail.

Muzrs : Vous travaillez également sur de la projection en live. Comment ça marche?

Lolita : On créé nos programmes qu’on anime en direct. C’est finalement assez bricolé mais ça marche ! C’est par contre beaucoup d’investissement et de travail : en plus de la création graphique, le direct implique qu’on connaisse le live et qu’on ai répété avec le groupe. Donc pour l’instant on n’a bossé qu’avec Iñigo et Caandides la-dessus.

Gabriel : L’idée de départ est de projeter sur le groupe pour qu’il se fonde dans une même ambiance. On voulait en fait prendre le contre-pied du culte de la personnalité qui règne chez les musiciens.

Lolita : On prend aussi en compte que ce sont deux groupes émergents qui ont donc peu de moyens. On reste dans des dispositifs simples, facilement transposables d’un lieu à l’autre. Au final rien que mettre un projecteur en face du groupe plutôt qu’au dessus pose des problèmes avec les salles

Quentin : C’est d’ailleurs pour ce dispositif particulier de projection sur le groupe qu’on a d’abord fait appel à ZEUGL. Ça nous correspondait bien parce qu’on n’est pas le groupe le plus sociable sur scène, et le show visuel nous permet de nous décharger de l’attention du public, ce qui nous laisse nous concentrer sur notre musique uniquement.

Théo : Dans notre cas c’était aussi motivé par l’envie d’éviter le système de lumière des salles de concert, que personnellement j’ai toujours trouvé affreux.

Gabriel : On a d’ailleurs déjà fait des lives uniquement avec de la lumière, Lolita ayant appris les bases sur le tas. Mais notre approche de graphistes fait qu’on se concentre d’avantage sur les ambiances minimalistes plutôt que sur des tonnes d’effets.

Muzrs : Ça vous semble particulièrement important pour les artistes d’aujourd’hui de soigner le visuel ?

Lolita : J’ai l’impression que c’est une demande qu’ont les petits groupes indépendants principalement. Probablement parce que les labels qui vont les signer y prêtent de l’attention.

Quentin : Au delà du visuel, c’est de plus en plus important d’avoir une identité qui colle à ton story telling. La musique ne suffit plus : il faut une histoire, des origines, un parcours.

Gabriel : Je pense que tout ça existait déjà avant, mais qu’aujourd’hui le manque d’argent des labels fait qu’on demande aux groupes de développer cet aspect là tout seul.

Théo : La cohérence entre l’univers musical et visuel me semble très importante aujourd’hui, il faut du concept. Je penses à Jacques et sa tonsure par exemple, élément récurrent que tu retrouves sur lui en concert, en photo, dans ses clips et sur sa pochette d’album. Ça attire l’attention.

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Lolita : C’est une démarche très marketing finalement, tu proposes aux gens toute une personnalité plutôt que simplement de la musique.

Muzrs : Y a-t-il un parallèle à faire avec Internet, principal canal de diffusion de la musique aujourd’hui?

Lolita : J’ai récemment vu une vidéo de Jessica Helfhand, une critique de design, à propos du branding des gens sur Internet. Je pense que ça s’applique à n’importe qui y compris aux groupes : on se market en permanence, ne serait-ce qu’en choisissant sa photo de profil Facebook. Aujourd’hui avec Internet on est en représentation permanente sur la place publique, et c’est ce qui créé cette réflexion autour de l’identité visuelle. C’est probablement pour cette raison que les professionnels demandent aujourd’hui aux petits groupes d’avoir avec une identité et une personnalité forte.

Gabriel : Et ce que je trouve dommage la-dedans, c’est cette pression des pros qui font que des groupes se forcent à créer une identité qui n’est pas la leur.

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